Il ne se passe pas un mois sans que la presse ne publie une histoire morbide ou insolite qui s’est déroulée dans la ville de Ndjolé. De ces multiples publications, il en ressort chez les gabonais un imaginaire assez effrayant de cette ville qui est en réalité victime de son histoire. Explication.
Pour une meilleure compréhension de l’histoire de Ndjolé, il faut d’abord savoir que son statut colonial n’était pas assez reluisant. En 1898, elle devient un bagne notamment son île appelée « île prison » aujourd’hui dénommée « île samory ». Une œuvre de « génie » de Savorgnan de Brazza. Oui, Ndjolé était une prison pour un grand nombre de résistants et rois africains comme Samory Touré, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, Fassiné Oularé, Ago-li-agbo, Dossou Idéou, Aja Kpoyizoum et bien d’autres. Etre le bagne des résistants africains n’a jamais été apprécié par les Ndjoléens.
Nous ne l’avons jamais apprécié parce que nous le sommes également. En effet, Ndjolé a été le village natal de Emane Ntole, un grand résistant anticolonial qui a lutté durant des années contre l’implantation des français dans la zone de Ndjolé. Avec son armée, il avait décimé plusieurs bataillons de l’armée coloniale et ses Tirailleurs Sénégalais avant d’être arrêté avec son fils Ntole Emane pour être déportés dans la prison de Grand Bassam en Cote d’Ivoire. J’y étais durant 10 jours pour mes recherches sur lui.
Au lendemain du coup d’Etat de 1964, c’est à Ndjolé fief politique de Jean Hilaire Aubame, que les putschistes emmenèrent le Président Léon Mba pour l’installer en résidence surveiller avant que le plan n’échoue suite à la chute d’un arbre sur la route à quelques kilomètres de Ndjolé sous une pluie battante. D’ailleurs cette zone du tronçon est aujourd’hui baptisée « Nkul Léon Mba » en français, « La colline de Léon Mba ». Le Président Léon Mba n’a jamais digéré cette trahison de ses frères de Ndjolé car rappelons-le, sa mère était de Ndjolé.
Dans les années 1990, Ndjolé fut une base arrière de l’opposition lors de l’ouverture démocratique au Gabon. Cette ville de toute son histoire a toujours eu des accents frondeurs ce qui malheureusement a été et est perçue comme un défaut voire même un danger.
Enfin je finis ce résumé historique avec l’histoire qui a vraisemblablement ternie jusqu’à ce jour l’image de Ndjolé. Il s’agit de la mort ou la disparition du prête, l’abbé Jacques Nguema qui fut le curé de la paroisse Saint Michel de Ndjolé.
L’église catholique notamment le Monseigneur André Fernand Anguilet n’était pas allé de main morte avec cette histoire. Il avait dit un jour « Qu’avez-vous fait de l’Abbé Jacques ? Vous l’avez tué ? Vous l’avez mangé ? ». En réalité, beaucoup de gabonais ont condamné les Ndjoléens à cause de cette histoire or dans les faits l’abbé Jacques n’a jamais été tué à Ndjolé mais plutôt a disparu dans la zone du village Andeme entre Ebel et Ndjolé. Depuis cette histoire, tout le monde dit : « Les gens de Ndjolé mangent les prêtres ». Or jusqu’à ce jour, personne ne sait exactement ce qui s’est passé mais pourtant c’est Ndjolé qui en paye les frais.
Il y a autre chose à dire !
Il est vrai que la zone de Ndjolé était dangereuse durant de longues années, cela était peut etre dû au caractère guerrier de ses habitants doublé de leur histoire. De nos jours, les habitants de Ndjolé sont accueillants, chaleureux car la ville se trouve au carrefour de cinq provinces. Nous côtoyons toutes les ethnies, nous nous marions avec les fils et filles de ces ethnies. Malgré cela, nous sommes perçus comme des criminels, des hommes et femmes dangereux, des pestes à ne pas fréquenter.
Je trouve que la presse participe d’une certaine manière à pérenniser cette mauvaise image avec une sélection morbide des sujets traités sur Ndjolé.
Un accident mortel se passe à 20Km avant Ndjolé, on verra en titre : « 5 morts à Ndjolé ». Un assassinat se produit après Ndjolé, dans les titres on fera comme si le crime a eu lieu à Ndjolé. Non, je ne suis pas d’accord. Décès, meurtres, accident, noyade ne riment pas avec Ndjolé. Non !
Ndjolé n’est pas une boucherie humaine, c’est une ville comme toutes les autres. Il n’y a pas que ces sujets à traiter sur Ndjolé, Il y a aussi des hommes et des femmes qui font des choses comme ouvrir des écoles privées, des jeunes qui investissent dans le bois ou dans le commerce, des femmes qui créent des coopératives agricoles, des jeunes et leurs associations communautaires qui posent des actions, il y a le tourisme local qui est une immense matière à traiter. Voici des sujets d’enquêtes, de reportages. Pourquoi n’en parlez-vous pas ? Pourquoi uniquement cette actualité morbide sur Ndjolé ?
Le but n’est pas de restreindre le droit à liberté d’expression des journalistes, loin de là. Toutefois je pense qu’ils ont aussi le devoir de promouvoir les contrées pour attirer des investisseurs, des touristes. Résumé l’actualité de Ndjolé à tout ce qui est lié au crime ne permettra jamais aux touristes et investisseurs de venir dans cette ville. Si vous mettez en avant le côté obscur de Ndjolé, mettez aussi en avant son côté clair. Ce n’est que justice !
J’invite ici nos compatriotes à comprendre que Ndjolé a son histoire, une histoire riche et douloureuse. Nous sommes hospitaliers, pacifiques. Nous ne sommes pas belliqueux mais plutôt fiers et attachés à notre contrée. J’espère que le temps changera l’image erronée que beaucoup ont de Ndjolé. A la presse d’y participer.
Barack Nyare Mba
Blogueur, fils de Ndjolé.
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