LETTRE OUVERTE AU MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE DU GABON

Monsieur le Ministre,

J’ai lu avec une exceptionnelle attention vos mesures pour lutter contre les violences en milieu scolaire. Celles-ci se déclinent ainsi :
• Fouilles systématiques des élèves avant tout accès à leur établissement
• Exclusion définitive pour tout flagrant délit, et possibilité de comparution devant les autorités judiciaires
• Tout auteur d’acte de violence sera remis aux autorités judiciaires qui les sanctionneront sans appel
En tant que citoyen d’une part et parent d’élève d’autre part, je tenais à vous signifier ouvertement mon insatisfaction profonde des mesures que vous avez prises, d’où l’intérêt de cette lettre ouverte.

Monsieur le Ministre,

Sachez qu’en lisant vos mesures j’ai immédiatement compris que celles-ci n’avaient pas pour but de « tuer dans l’œuf » ce phénomène mais plutôt de l’endormir. Ne comprenez-vous pas qu’il est impossible de résoudre des problèmes avec le même esprit qui les a créés ? De quel esprit s’agit-il me diriez-vous ? il s’agit malheureusement de l’esprit du déni. Le déni est la cause principale de tous les problèmes que notre système éducatif traverse depuis de très longues années. Le déni est la base sablonneuse sur laquelle se fondent toutes les mesures prises pour régler les problèmes de notre système éducatif. Je crois qu’il est temps d’en sortir et de regarder les problèmes sous un prisme nouveau.

S’agissant de vos mesures, je pense que nous devrions les analyser une par une.

• Les « Fouilles systématiques des élèves avant tout accès à leur établissement » C’est une appréciable mesure mais elle n’est en aucun cas efficace à long terme. Pourquoi ? Parce que vous vous attaquez-là aux conséquences et non aux causes du problème. Les élèves ont déjà des comportements violents causés par la société et le monde dans lequel nous vivons. Ce sont ces comportements violents qui les poussent à avoir des armes blanches. Les empêcher d’accéder aux établissements avec ces armes blanches ne règle pas le problème car leur comportement restera le même. La solution pour ma part est de « corriger » leurs comportements en mettant en place un plan d’action élargi et concret qui impliquerait non seulement le ministère dont vous avez la charge mais aussi les enseignants, les parents d’élèves et les élèves. L’Etat, en plus des parents, a cette responsabilité d’éduquer ses enfants sinon qui le ferait à sa place ? Une société violente n’est que le résultat d’une mauvaise éducation, d’une accumulation de frustrations et de mal-être car en réalité ces comportements violents ne sont que le reflet de notre société, de la vie familiale et scolaire.

• « Exclusion définitive pour tout flagrant délit, et possibilité de comparution devant les autorités judiciaires » Sanctionner sans responsabiliser le coupable du flagrant délit risquerait de le mettre en position de victime ce qui inévitablement l’amènerait à récidiver. L’objectif est de le transformer afin qu’il soit un meilleur citoyen et non de le maintenir dans cette violence en le jetant en prison, il n’en sortira pas meilleur. Selon les cas, des sanctions alternatives mais transformatrices doivent être proposées. Quel avenir donnez-vous à un enfant que vous avez exclu et jeté en prison? Aucun. En réalité vous souhaitez juste fuir vos responsabilités en les transférant totalement aux parents. Proposez des sanctions transformatrices.

Le troisième point de vos mesures rejoint le deuxième, inutile d’en faire une analyse. En somme je vous demande de trouver des solutions à long terme et non des « mesurettes » qui pourront d’ailleurs changer au gré des remaniements ministériels.

Henry Queuille disait que « La politique, ce n’est pas de résoudre les problèmes, c’est de faire taire ceux qui les posent », vos mesures semblent confirmées cette belle citation qui dit long sur la gouvernance politique. Vous sachant très averti, je présume que vous tirerez de cette lettre ouverte de quoi revoir votre copie afin de ne pas seulement « faire taire » ceux qui posent problème mais plutôt de leur trouver des solutions intelligentes et efficaces.

Respectueusement.

PS: Lettre publiée par l’auteur le 13 février 2020

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Auteur·e

espritafricain

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