Principale ville du pays, la capitale gabonaise porte un nom très évocateur pour les défenseurs de l’épanouissement du corps et de l’esprit. En la baptisant « Libreville », le fondateur de cette ville a voulu véhiculer un message intemporel sur la liberté chèrement gagné après 400 ans d’esclavage. Aujourd’hui en 2019 peut-on dire que notre capitale porte dignement son nom ? Les Librevillois se sont-ils appropriés de cette liberté ? En ont-ils conscience ? Se sentent-ils libres ? Autant de questions qui me laissent perplexe au vu des observations faites.
Le 17 octobre 1849 alors que la traite négrière est abolie, un navire négrier brésilien nommé L’Elizia transportant 52 esclaves ( 27 hommes, 23 femmes et 2 enfants) est arraisonné par la frégate française Pénélope. Tous les esclaves que ce négrier transportait furent libérés et regroupés dans l’actuel quartier Montagne-Sainte, ce fut la création de Libreville. Ce nom fut donné par le capitaine Louis Edouard Bouet-Willaumemez en souvenir de ces esclaves qui recouvrirent enfin leur liberté.
Esprit de Liberté où es-tu ?
Après 170 ans d’existence Libreville n’est plus ce qu’elle fut tant dans la forme que dans le fond. Dans la forme, les changements imposés par le développement urbain ont transformé ce qui fut une petite bourgade en une grande ville africaine cosmopolite et multilinguistique avec ses immeubles et échangeurs, ponts et autres édifices publics et privés. Dans le fond, l’esprit de liberté qui sous-tend la nature originelle de la ville, sa personnalité, son identité, sa singularité, son humanisme est à mon humble avis absent sinon pas très présent. J’entends par esprit de liberté toutes les expressions de celle-ci dans l’urbanisme de la ville, dans sa culture, ses traditions, son mode de vie, sa mentalité, sa gastronomie, le divertissement, l’art, l’éducation etc.
Comment pouvait-on imaginer Libreville, ville de la Liberté sans Musée? C’était à mes yeux scandaleux et indigne pour Libreville d’exister sans ce temple de la mémoire humaine. Grande était ma joie quand j’ai appris l’inauguration prochaine du nouveau musée situé dans l’enceinte d’un ancien bâtiment colonial rénové, qui abritait d’ailleurs l’ambassade des Etats-Unis au Gabon. C’est le cas de le dire ici, il n’est pas trop tard pour bien faire. Toutefois, ce Musée n’est pas consacré à Libreville mais au Gabon tout entier. Qu’en est-il alors d’un théâtre municipale ou national ? d’un conservatoire de musique, d’une bibliothèque ou d’un centre culturel ? Comment éduquer, cultiver les Librevillois et Librevilloises si la soi-disant bibliothèque nationale n’est que l’ombre d’elle-même ? Comment stimuler le génie des artistes s’ils n’ont pas de tribune ? Comment développer la créativité si Les peintres, sculpteurs de pierre ou de bois n’ont pas de musée d’art contemporain ? Un vrai gâchis pour une ville qui a tant à offrir au Gabon et à l’Afrique.
Je suis révolté de voir la déliquescence du cadre de vie des Librevillois alors que tout y est pour qu’il soit meilleur. Dans les quartiers, les jeunes n’ont pas de terrain de sport. Je ne parle même pas de l’absence de « maison de jeunes » qui serviraient de cadre pour faire de la musique, des arts martiaux ou toute autre activité qui élève l’esprit. Faire du sport à Libreville n’est vraiment pas évident, car les infrastructures ne le permettent pas pour le citoyen lambda. Vous vous imaginez que pour jouer au Football à Libreville, il faut désormais payer soit au Ballon d’Or soit à la nouvelle structure qui ouvrira bientôt au boulevard Bessieux? Quelle honte! Dans les quartiers, les jeunes sont contraints de jouer au football dans l’enceinte des établissements primaires qui ont généralement de l’espace. Quel dommage ! Rendez-vous compte qu’un haut lieu historique comme l’île de la pointe Dénis coûte la peau des fesses pour s’y rendre en chaloupe alors qu’elle n’est qu’à quelques minutes de Libreville. Le séjour pour un week-end n’est pas à la portée de tous. Il n’y a qu’une certaine classe qui arrive à y séjourner. Pourtant l’île de Gorée, haut lieu de l’histoire de l’esclavage au Sénégal reste accessible à tous idem pour un court séjour.
Le devoir de mémoire
Libreville est comme une belle femme que l’on cache à ses amoureux alors qu’elle aimerait bien partager toute sa splendeur et sa merveilleuse histoire. Les habitants ne connaissent pas dans leur majorité, l’histoire de leur ville, de ses quartiers, des hommes qui ont marqué son histoire. Beaucoup ne savent pas comment elle fut fondée et par qui. Certains ne connaissent même pas les différents rois qui la gouvernèrent à l’époque ni où étaient installés leurs royaumes encore moins comment toutes les ethnies ont fait pour y vivre ensemble. C’est à mon sens une hérésie que de gouverner le peuple sans lui donner la possibilité de connaître l’histoire de la terre qui le porte.
L’histoire nous permet de comprendre le passé pour que nous nous appropriions le présent afin de construire un avenir meilleur. Le comble c’est qu’en Afrique et particulièrement au Gabon, l’histoire n’est pas très souvent mise en avant. C’est l’une des raisons pour lesquelles nos peuples se dénaturent pour adopter des cultures venant d’ailleurs et que nous jugeons à tort meilleures. Je vais à ce sujet citer Stéphane Hessel qui disait : « Hélas, l’histoire donne peu d’exemples de peuples qui tirent les leçons de leur propre histoire ». Que dira-t-on alors des peuples qui ne connaissent pas la leur pour en tirer les leçons ?
Je pense que dans ce monde qui devient de plus en plus mondialisé, globalisé, il est plus qu’important sinon impérieux que les gouvernants et la municipalité de Libreville, revoient leurs politiques de la ville afin que ceux-ci participent à la conservation de notre patrimoine commun, à l’expression de la liberté sous toutes ses formes pour que Libreville en soit un véritable havre. J’ai particulièrement apprécié le retour de la célèbre « fête des cultures de Libreville » créée par l’ancien maire Paul Mba Abessolo, mais aussi la mise en place d’un Agenda culturel avec des événement tels que « La nuit des masques » et « Gabon 9 provinces« . C’est encourageant et j’espère que ces événement se pérennisent car ils rassemble tous les Librevillois, Gabonais et Africains autour de la culture et de l’art.
Libreville mérite mieux que ce qui est, elle a besoin de recouvrir une nouvelle liberté, un nouveau souffle qui fera vibrer ses habitants au plus profond de leur être pour la gloire et la prospérité de notre chère et libre capitale.
Je t’adore Libreville !!!!
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