Quand Jean Ping dit « le Gabon doit changer », Ali Bongo rétorque « Changeons ensemble ». Le ton est donné : pour ces deux candidats à la présidentielle d’aout 2016, le changement du Gabon est au cœur de leurs propositions. Mais s’ils font tous les deux allusions au changement, de quel changement parlent-ils ?
Le changement selon Ali Bongo
Pour Ali Bongo, le changement consiste à s’élever au principe du mérite, qui garantirait le développement du Gabon. Et pour y arriver, il propose d’aller en guerre contre « le système de privilèges », qui ampute le Gabon de la force de ses valeureux et talentueux citoyens. Sa stratégie de guerre est le nivellement de la société : l’institution de l’égalité des chances. Nivellement vers le haut. Il s’agit de mettre en place un système qui donne à tous les mêmes chances de réussite.
Ainsi, c’est le talent et le travail qui feront la différence. En clair, pour parvenir au changement, tant souhaité par les Gabonais, Ali Bongo propose une réforme sociale : l’égalité des chances. Et là, on sent le doux parfum de De la démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville : quand, dans une société, le sentiment d’égalité gagne du terrain, la démocratie en gagne aussi.
Le changement selon Jean Ping
Jean Ping, lui, ses propos laissent aussi entendre « trop c’est trop avec le système de privilèges ». Lui aussi, il dit vouloir prendre l’armure de combat pour tuer ce système. Comment ? En faisant de la maçonnerie : il propose de rebâtir la base du Gabon, condition sin ne qua non pour atteindre les hauteurs du développement. Il veut revoir les fondements des institutions qui structurent l’ordre social pour qu’elles deviennent lisibles, claires, cohérentes et adaptées aux défis actuels, nationaux et internationaux. On croirait presqu’entendre Platon, bien que ce dernier était contre la démocratie.
De même que Platon avait constaté la décadence des institutions politiques athéniennes, Jean Ping dit constater la décadence des institutions politiques gabonaises et veut y remédier. En clair, Jean Ping propose une refonte étatique.
Changement tcha tcha seulement chanté ?
Sur le papier les programmes sont alléchants. On pourrait même dire…succulents. Mais les choses ne sont pas aussi simples. Un enseignant de philo politique, dont j’ai oublié le nom disait que le discours politique consiste à « faire des promesses, puis expliquer pourquoi elles n’ont pas été tenues. », car, au fond, entre la bonne volonté des promesses et la réalité du terrain, il y a un fossé.
Et là, j’entends déjà certains dire « Ali, quand il dit, il fait », et d’autres s’époumonés : « Ping, un homme de parole ». Ouais…Hum… Ok d’accord ! Passons, oublions l’esprit partisan. Dans « L’avenir en confiance », page 15, le candidat Ali Bongo disait : « Le programme que je vous propose sera constamment suivi, pour veiller à sa bonne mise en œuvre. Une évaluation systématique des performances atteintes sera effectuée, afin d’apporter si besoin, les correctifs nécessaires. ».
Personnellement, je ne sais pas si cela a été fait, communiqué, partagé avec l’ensemble des Gabonais. Il faudra revenir là-dessus. C’est important. Quel que soit celui qui sera élu, cette « évaluation systématique des performances atteintes » doit être faite. Les décisions et propositions du président doivent être discutées, débattues publiquement, rationnellement.
C’est aussi cela le changement du Gabon : l’aménagement d’un espace public, l’institution du débat public, qui permet non seulement la communication efficace de l’action présidentielle et gouvernementale, mais aussi son contrôle systématique. Et cela pourrait simplement commencer avec un débat public entre les candidats à la présidentielle d’aout 2016.
Melvine Hella Fausther
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