L’Afrique de l’Ouest est sous le feu des projecteurs depuis deux ans déjà. Cette sous-région d’Afrique jadis stable et relativement démocratique, était le « bon élève » de l’occident et plus précisément de la France. Aujourd’hui elle fait face à d’énormes difficultés sur le plan sécuritaire, social, démocratique voire identitaire. Ma question : et l’Afrique centrale dans tout cela ?
Une citation de l’ethnie fang dit ceci : « Pendant qu’on égorge la poule, le canard regarde », en d’autres termes « un homme averti en vaut deux ». À ceux qui pensent que ce qui arrive aux autres ne peut nous arriver, je leur dirais que c’est faire preuve d’imprudence que de le penser car quelques éléments factuels augurent chez nous des lendemains similaires si nous n’y prenons garde.
Une arnaque de l’histoire
Visiblement après plus de soixante ans d’indépendance, les luttes d’hier sont encore celles d’aujourd’hui. En Afrique de l’Ouest tout comme en Afrique centrale, nous avons toujours été oppressés soit par les Occidentaux, soit par les nôtres concomitamment avec les premiers cités. Ces oppressions ont toujours donné naissance à plusieurs vagues de « lutte d’émancipation ». À chaque fois que ces luttes devenaient dangereuses pour la classe dirigeante, un savant subterfuge était créé pour les anéantir.
Le premier d’entre eux fut l’accession à l’indépendance qui nous « libérait » du colonisateur. Nous savons tous aujourd’hui que nous ne le sommes pas. Le deuxième fut la conférence nationale qui nous faisait entrer dans l’ère démocratique. Nous savons tous que nous ne sommes pas près d’y entrer.
En réalité toutes les promesses faites n’ont pas été tenues. Jean de La Fontaine avait raison quand il disait que « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». En y regardant de plus près aujourd’hui, on se rend bien compte que tout cela n’était que simulacre. L’indépendance et la démocratie n’ont jamais été « données » mais « prêtées ».
États d’Afrique centrale, de qui êtes-vous les fils ?
Aujourd’hui l’Afrique centrale semble épargnée des troubles que rencontre l’Afrique de l’Ouest. Pour ma part je dirais qu’il s’agit ici du calme avant la tempête car les régimes en place en Afrique centrale sont loin d’être vertueux et les Etats qu’ils dirigent sont loin d’être prospères.
La meilleure expression de l’absence de vertu dans ces régimes en place est ce chiffre : 190 ans, soit près de deux siècles. C’est à ce jour le nombre d’années cumulées des partis politiques au pouvoir au Gabon, Cameroun, Tchad, Guinée équatoriale et Congo-Brazza. Malgré leur maintien au pouvoir, l’étonnante longévité de ces partis porte en elle les germes de la déstabilisation de nos Etats.
Pis, ces partis politiques ne défendent aucune idéologie progressiste. Si tel était le cas, après autant d’années à gouverner, nous ne serions pas à ce bas niveau de développement. Oui, tout est à faire dans ces pays. Je pense que la logique qui gouverne en Afrique centrale est similaire à celle qui gouvernait à l’époque coloniale. Je parle ici de la logique de confiscation.
La fin de la colonisation est en grande partie le résultat des révoltes lancées par les colonisés qui n’en pouvaient plus avec ce système confiscatoire, injuste, privatif, dénaturant, oppressif, vorace et oligarchique. Regardez les régimes d’Afrique centrale, on y retrouve les mêmes épithètes. Comment ne pas comprendre que si rien n’est fait, des contestations plus virulentes que celles que nous avons connues se produiront fatalement.
Le canard regarde
Émile Girardin disait : « Gouverner c’est prévoir ; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte ». Justement on court à notre perte parce qu’on gouverne mal. Il est temps de revoir notre façon de gouverner pour éviter ce que vivent nos frères d’Afrique de l’Ouest, surtout dans un contexte mondial où nos faibles Etats sont entre deux feux ; celui de l’occident et celui de la Russie.
L’histoire nous apprend que les Etats africains ont toujours été le théâtre de confrontation entre ces deux blocs notamment lors de la guerre froide. Il en est de même aujourd’hui avec la guerre en Ukraine. Chaque bloc cherche actuellement à étendre ou à renforcer son influence en Afrique à cause de nos richesses minières.
Regardez la flambée des prix des denrées alimentaires. Nous payons le prix fort de leur conflit parce que nous n’avons pas prévu cette éventualité. Après 190 ans de gouvernance cumulée, nous n’avons toujours pas l’autosuffisance alimentaire en Afrique centrale. Comment se l’expliquer quand on connaît tout le potentiel agricole de la sous-région ?
On dit « L’erreur est humaine, la répéter est diabolique ». Ne commettez pas la même erreur que les autres. Vous avez là une belle occasion de revoir vos schémas de gouvernance qui n’ont pas marché jusqu’ici.
Vous le dire n’est rien d’autre qu’une interpellation car je suis fils de cette sous-région et en partant de l’Afrique. Comme mes frères et sœurs, j’aspire au meilleur pour moi et les miens.
Vous devez répondre aux aspirations de développement des peuples d’Afrique centrale, renforcer l’unité nationale, sécuriser le territoire, appliquer véritablement les principes démocratiques, améliorer la gouvernance, éradiquer la corruption et le copinage, favoriser le tissu économique national, promouvoir la fierté nationale, développer les leviers de souveraineté comme l’agriculture etc.
Pour rappel, vous êtes au pouvoir pour faire tout cela.
Barack Nyare Mba
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