La démocratie est-elle en danger en Afrique ?

Pistolet pointé sur une tête au visage masqué
PEXEL

Après le coup d’Etat au Soudan en avril 2019, celui du Mali en août 2020, de la Guinée Conakry en septembre 2021 et enfin au Tchad en avril 2021, l’Afrique a enregistré un nouveau coup d’Etat le 24 janvier au Burkina-Faso. Un énième renversement qui suscite des interrogations sur l’état de la démocratie en Afrique.

Est-ce le crépuscule de la démocratie en Afrique ? Cette question a le mérite d’être posée car ces nombreux et successifs coups d’Etat nous rappellent l’Afrique avant l’avènement de la démocratie dans les années 1990.

Après les soulèvements populaires durant la période des partis uniques, les pays africains ont tous décidé d’entrer dans une nouvelle ère, celle de la démocratie pluraliste. Nous pensions que le régime démocratique allait apporter une certaine stabilité politique en Afrique. Grande a été notre déception.

Aujourd’hui, force est de constater que la démocratie n’a jusqu’alors pas répondu aux attentes des peuples africains non pas parce que ce régime politique est mauvais mais parce que nous n’avons pas encore les préalables, les dispositions, pour en faire un régime vertueux au service du développement de nos pays.

La démocratie est souhaitable mais la sécurité est indispensable

Comment prétendre vivre dans un régime pleinement démocratique lorsque la sécurité dans le pays n’est pas assurée ? La démocratie n’est pas une priorité pour l’Africain qui voit ses parents, ses amis, ses voisins, se faire tuer au nez et à la barbe des autorités qui sont sensés les protéger.

Prenons le cas du Mali, ce pays est en partie sous le contrôle des groupes terroristes qui tuent et pillent dans des régions entières. Les populations de ces régions ont le sentiment que l’Etat les a abandonnées. C’est dans ce contexte que s’immiscent des considérations éthniques pour justifier cet abandon de l’Etat ce qui fatalement entraine des rebellions, la création de groupes armées communautaires d’autodéfense. « Si l’Etat ne nous protège pas parce que nous sommes de telle ou telle ethnie, nous le ferons nous-mêmes ». En réalité, l’Etat ne les protège pas pour des raisons ethniques mais plutôt par incapacité.

Pourquoi après la mort d’Idriss Deby, les autorités Tchadiennes avec la bénédiction de la France, avaient décidé de suspendre la constitution pour permettre à un militaire, à l’occurrence le fils de l’ancien président, de prendre le pouvoir ? La réponse invoquée était la sécurité du Tchad étant donné le contexte sécuritaire difficile du pays en plus des rebelles qui voulaient prendre le pouvoir et les terroristes qui sévissaient.

De mon point de vue, s’ils croyaient qu’un civil élu démocratiquement pouvait aussi bien qu’un militaire combattre le terrorisme et les rebelles, alors ils auraient organisé des élections présidentielles anticipées. Cela ne fut pas le cas.

Vous me direz pourquoi ce parti pris pour les militaires au Tchad par exemple ? Je vous répondrais en disant qu’en fait le régime démocratique constitue un problème dans un contexte sécuritaire difficile.

Les partis politiques de l’opposition vont se quereller continuellement avec le parti au pouvoir pour des questions politico-politiciennes. C’est une dispersion d’énergie défavorable pour lutter efficacement contre le terrorisme et les autres problèmes sécuritaires.

Les cas malien et burkinabè

Le cas Malien et Burkinabè n’est pas celui du Tchad. Loin de là. En effet, dans ces deux pays les militaires ont renversé des chefs d’Etat démocratiquement élus car ceux-ci n’ont pu régler le problème sécuritaire. Sans bien entendu oublier que ces deux régimes avaient créé un client délétères avec toutes les couches de la société.

Ces deux putschs renvoient à cette idée s’agissant de la question sécuritaire : « Le régime démocratique n’a pas pu vaincre le terrorisme, le régime militaire le fera ». Il faut le dire, c’est un désaveu de l’efficacité de la démocratie face aux enjeux sécuritaires. D’ailleurs le nouveau régime militaire au Mali justifie son coup d’Etat par sa volonté à restaurer l’intégrité du territoire et éliminer tous les groupes terroristes afin de ramener la sécurité dans le pays.

La réélection de Rock Christian Kaboré à la tête du Burkina-Faso en novembre 2020 a souffert d’une illégitimité causée par l’impossibilité des centaines de milliers de personnes de voter. Plus de 1,5 millions de déplacés en interne causés par le terrorisme. Les multiples massacres de militaires et de civils ont exacerbé les frustrations de ces deux segments de la population. Les multiples remaniements ministériels, de changement à la tête des forces de sécurité et de défense ont tous été inefficaces.

Continuons cet état de lieu des présidents élus avec le cas de Ibrahim Boubacar Keita. Réélu en 2018, il a essuyé une forte contestation qui a davantage divisé le pays pourtant meurtri par des attentats, des massacres de militaires et civiles comme au Burkina-Faso. Cette mauvaise réélection et l’incapacité à lutter efficacement contre le terrorisme furent le début de la chute du régime d’IBK au Mali. Les soulèvements populaires de juin-juillet 2020 n’ont été que le coup de grâce.

Ici, contrairement au Tchad, ce sont des militaires qui ont renversé des chefs d’Etat élus. N’oublions pas que ces deux chefs d’Etat avaient été élus après le renversement en 2012 du Président Amadou Toumani Touré au Mali et de Blaise Compaoré en 2015 au Burkina-Faso. Leurs élections étaient une lueur d’espoir pour la démocratie et la restauration de l’autorité de l’Etat dans ces deux pays.

Le cas guinéen et soudanais

Il s’agit ici de deux coups d’Etat différents de ceux précédemment cités. En effet, nous avons face à nous deux exemples qui témoignent du fait que la mauvaise foi et la voracité de nos dirigeants ne permettent pas à la démocratie d’être effective en Afrique.

En dépit du problème sécuritaire qui remet en cause l’effectivité de la démocratie, il existe également des facteurs limitants inhérents aux intentions de ceux qui nous dirigent.

En Guinée Conakry, voici quelqu’un, Alpha Condé, qui a lutté durant quarante-cinq-ans durant pour la démocratie dans son pays. Une fois au pouvoir, celui-ci remplace ladite démocratie par un régime autoritaire. Mieux, il est présumé responsable de massacres lors des revendications des militants de l’opposition. L’ancien président ne s’arrête pas là, il décide de modifier la constitution pour briguer un troisième mandat qu’il remporte d’ailleurs. Comment ne pas comprendre la nécessité d’un coup d’Etat dans ces conditions ?

Au Soudan, le président Oumar El Béchir a été renversé en Avril 2019 après une trentaine d’années au pouvoir. Il est arrivé au pouvoir par les armes et en est parti par les mêmes armes après cinq mois de manifestation populaire. Un gouvernement de transition avait été mis en place peu après. Celui-ci avait également été renversé en octobre 2021 par des éléments de l’armée suite à un désaccord de partage de pouvoir entre les civils et les militaires.

Tout comme en Guinée Conakry, le pouvoir D’Oumar El Béchir était plongé dans l’autoritarisme, il avait instauré un code pénale islamique inspiré de la charia. En 2018, il modifie la constitution également pour briguer un sixième mandat or la nouvelle constitution limitait le nombre de mandat à deux. Le couronnement de toute cette mauvaise gestion durant son mandant fut la guerre au Darfour qui se conclura par la naissance d’un nouvel Etat, le Sud Soudan.

En comprenant cela une seule conclusion me vient à l’esprit : Nous n’avons pas encore les dispositions nécessaires pour une démocratie véritable. Le blogueur Charles Kabango disait que « La démocratie est une tragédie pour l’Afrique ». En effet, la démocratie comme elle est pratiquée est source de malheur pour le continent. Elle est un grand mensonge entretenu par une classe politique cupide et avide de pouvoir.

On nous brandit en Afrique que la démocratie est « Le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple ». En Afrique cette citation est la plus grande arnaque que le continent n’a jamais connue car lorsque nous observons, les aspirations des peuples africains n’ont jamais été respectées par ceux qui ont été bien ou mal élus.

Liesse après un coup d’Etat

Lorsqu’il y a un coup d’Etat en Afrique, nous nous rendons compte que le peuple est en liesse, des scènes de joie sont visibles partout et par toutes les forces vives de la Nation. La question que nous devons nous poser est celle-ci : « Pourquoi le peuple est-il en liesse après un coup d’Etat ? Est-ce à dire qu’il préfère le régime militaire au régime démocratique ? »

Pour ma part, le peuple est heureux parce qu’il espère que les militaires, avec leur rigueur, mettront en place les nouvelles bases pour un meilleur exercice de la démocratie tout en réglant au préalable certaines questions comme la sécurité, la corruption et tous les travers des régimes déchus.

En effet, nous devons repartir sur les bases pour éviter tous les balbutiements démocratiques que nous vivons. La démocratie telle que nous la pratiquons est comme un poisson qui veut respirer hors de l’eau. Nous devons tout d’abord mettre les conditions idéales et propres à notre contexte africain pour enfin expérimenter véritablement la démocratie car pour l’instant c’est un échec.

Il n’est pas dit ici que je suis favorable aux coups d’Etat mais plutôt à la refondation de nos régimes politiques car les présidents élus jusqu’à nos jours n’ont toujours pas réussi à faire du régime démocratique celui dont on nous a vanté les mérites. Aujourd’hui la démocratie telle qu’elle est pratiquée n’engendre que ruines cendres et larmes dans nos pays.

Si nous ne pouvons changer la bonne foi des hommes et femmes qui nous dirigent, nous pouvons au moins changer les règles qui régissent l’exercice du pouvoir et de la démocratie. En effet, il y a des choses qui dépendent de nous et c’est en cela que réside notre marge de manœuvre.

Je rêve d’une Afrique véritablement démocratique, stable, dynamique, sécurisé, développée et unie. Nous devons lutter pour ces idéaux sinon nous n’auront que nos yeux pour pleurer en voyant l’embrasement de notre terre mère.

Barack Nyare Mba

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Auteur·e

espritafricain

Commentaires

Miss Bouloilou
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En réalité, en Afrique tant qu'on ne repense pas réellement l'organisation de sociétés en commençant par les bases on trouvera toujours des insuffisances.