Mon retour au pays natal

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Carte Libreville. CP: Bienvenualibreville

Après cinq longues années d’absence, je suis désormais de retour dans mon pays natal le Gabon. Comme dit le proverbe : « Même après plusieurs années sur l’eau, le bois mort ne sera jamais un caïman ». Dans mon cas sachez que je suis resté un authentique Gabonais, attaché à sa patrie et à ses valeurs malgré le temps passé sur une autre terre d’Afrique.

Avant de quitter le pays de la Téranga qui m’a formé pour celui qui m’a vu naître, j’ai maintes fois nourri des interrogations sur l’état dans lequel je trouverais ce dernier. Mon retour au pays me donnait enfin l’opportunité de répondre à des interrogations qui taraudaient mon esprit. Ce retour me donnait aussi l’occasion de cesser de spéculer pour laisser place aux réalités palpables.

A mon arrivée à Libreville je mourais d’impatience d’emprunter la voix express pour voir ces fameux échangeurs que le grand manitou de l’émergence avait construits pour régler le problème des embouteillages. Grande était ma désolation de constater qu’ils ne sont guère ce à quoi je m’attendais surtout quand on sait qu’il a fallu près de quatre ans pour les construire et plusieurs campagnes de com’ pour en parler.

Le cadre de vie des Gabonais n’émerge visiblement pas malgré les centaines de milliards « déboursés » pour améliorer les voiries urbaines. Je n’ai pas vu des espaces verts ni de jardins publics encore moins de lieux sains pour l’épanouissement de mes jeunes frères et sœurs. Les bars et autres débits de boissons connaissent un foisonnement exceptionnel et sont presque toujours bondés de monde c’est pourquoi les Gabonais ont eu le triste record en 2013 d’être les premiers consommateurs d’alcool en Afrique avec 123 litres de bière par an et par personne.

 

Des élèves côtoyant les ordures à la Cité SNI de Owendo CP: Barack Nyare Mba

Ordures ménagères jonchant les rues. CP: Barack Nyare Mba

Comme si l’alcool n’était pas suffisant, les Librevillois ont comme premier compagnon les ordures avec les corollaires que nous leur connaissons. Idem pour la commune voisine d’Owendo qui ma foi s’est davantage paupérisée.  Il est difficile de traverser un quartier sans apercevoir une poubelle à ciel ouvert. Comme toujours on accuse les populations d’incivisme pour disculper l’incompétence de certains à régler définitivement ce problème d’ordure ménagère qui quoi qu’on dise affecte durement la santé des Gabonais.

En parlant de santé, j’ai bel et bien vu les CHU d’Owendo et de Libreville, mais pas encore celui d’Angondjé. Aux dires des Gabonais que j’ai  rencontrés et de la presse, les soins qui y sont dispensés ne répondent pas aux attentes de mes concitoyens. D’ailleurs la presse en fait ses choux gras lorsque l’occasion se présente comme dans le journal Le Matin n°42 du mercredi 5 novembre 2014 qui titre : « URGENCE DE LA REFORME » dans la santé. En dépit des « 1000 milliards » dépensés depuis six ans, les Gabonais ne sont pas toujours bien soignés, c’est pourquoi l’Etat vient de signer une énième convention cette fois avec l’américain MSH pour « une nouvelle gouvernance en matière de santé ». Que des mots rien que des mots.

En ce qui concerne l’éducation, franchement je ne veux même pas en parler tellement je suis outré et inquiet pour les plus jeunes. Dès mon arrivée, les enseignants étaient déjà en grève illimitée. Jusqu’à ce que je publie ce billet, aucune solution n’avait été trouvée pour une reprise effective des cours. Voici une nouvelle année scolaire qui s’annonce très difficile.

Tout autre chose : j’ai constaté qu’à Libreville les voitures étaient très régulièrement couvertes de boue alors qu’on ressasse à longueur de journée sur les ondes télé et radio les prouesses en ce qui concerne la construction des routes. Avec les pluies qui s’abattent actuellement sur Libreville, de nombreux nids de poules se transforment en patinoire boueuse au grand dam des automobilistes. A Lalala à gauche par exemple, un cratère s’est formé au milieu de la chaussée depuis un an au moins sans que cela n’émeuvent les autorités municipales. Après une forte pluie, cet endroit se transforme à une piste d’éléphants rendant ainsi difficile la circulation des véhicules qui traversent cette route très fréquentée.

Géant nid de poule au quartier Lalala à gauche. CP: Barack Nyare Mba

Autre chose constatée :  Les automobilistes librevillois s’adonnent à une sorte de rallye qui ne dit pas son nom. Les chauffeurs font des dépassements à droite, certains prennent le volant sous l’effet de l’alcool croyant être plus vigilants en étant bourrés, les taximans et les chauffeurs de grumiers et poids lourds sont passés maîtres des accélérations dangereuses. Résultat : plusieurs accidents mortels sont régulièrement enregistrés. C’est le cas par exemple de l’accident qui a coûté la vie à trois personnes mardi passé au pont Nomba.

Le taxi dans lequel trois personnes ont perdu la vie. CP: Infos241

Un chauffard de remorque dans une folle allure est allé percuter un taxi situé sur l’autre voie tuant du coup deux jeunes dames puis le taximan qui décédera un peu plus tard à l’hôpital. Il y a eu d’autres accidents de cette violence qui ont fait le malheur de nombreuses familles ce qui en principe devrait susciter la vigilance de tous, notamment des chauffeurs.

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Le comble de tout cela c’est que dans tous les carrefours de Libreville on peut voir stationner les voitures de policier ressemblant à ceux de l’apartheid en Afrique du Sud. Malgré cette présence dissuasive, les automobilistes continuent tout de même de conduire sans être inquiétés. Je ne sais pas trop à quoi ils servent, ou qui ils servent, ce qui est sur c’est que malgré leur présence très remarquée, les riverains ne semblent pas être protégés, mais plutôt surveillés.

Sur le plan politique, c’est la parution du livre de l’écrivain Pierre Péan dont le titre est « Nouvelles affaires africaines. Mensonges et pillages au Gabon » publié chez Fayard qui fait le buzz et met le pouvoir en émoi. Les sorties télévisées radio se sont multipliées, en tête desquelles la malhabile et audacieuse intervention télé à Gabon Télévision de Pascaline Bongo qui a dit que les deux panthères du blason de la République gabonaise la représentaient ainsi que son frère Al . C’était incroyable de l’entendre dire ça ! Dans toutes les rues de la capitale, dans les taxis, au travail, dans les bars, mais aussi sur les réseaux sociaux, les Gabonais concluent que Pascaline a clairement dit que le Gabon appartenait à la famille Bongo ce qui naturellement a réveillé le courroux, mais surtout l’indignation du plus grand nombre de Gabonais au point où l’opposition réclame la démission du président Ali.

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Pascaline Bongo et son frère Ali représentant les deux panthères du blason de la République gabonaise. CP: Infos241

En somme je ne dirais pas que tout est sombre au Gabon toutefois les services primaires ne sont nullement assurés convenablement ni équitablement. Que ce soit le cadre de vie, la santé, l’éducation en passant par la sécurité routière ou encore la protection des mineurs, les Gabonais rencontrent visiblement d’énormes difficultés dans leur vie quotidienne. Je n’ai pas encore fait le tour de Libreville ni du Gabon, néanmoins ce que j’ai déjà vu ne présage rien qui vaille pour le reste de la ville ou du pays.

Malgré ce désolant constat, je suis naturellement très heureux d’être de retour parmi les miens, d’avoir vu ma famille mes amis et toutes mes connaissances. C’est une joie immense de tous les voir en bonne santé malgré les quelques aléas que je viens de vous citer. Comme ça fait du bien d’être chez soi.

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Auteur·e

espritafricain

Commentaires

Boussy
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C'est triste et vraiment désolant de ce rendre compte de l'incapacité des dirigeants de mettre en pratique leur propre programme, qui est pourtant la solution a tout les problèmes du peuple!

Eli
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Content d'avoir de tes nouvelles. Malgré la joie de retrouver les tiens le constat que tu dresses est désolant. A voir autant de misère je me demande ce qu'on fait au juste de la manne pétrolière et autres ressources. Des jours nouveaux et heureux c'est ce que je souhaite pour le Gabon et l'Afrique.

Pascaline
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Merci pour avoir partagé avec nous tes impressions et bon retour chez toi. J'espère quand même te revoir...à Dakar !

Barack Nyare Mba
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Merci et rassures-toi je compte vous en donner davantage

betimba
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trop fort grand,tu mérites une plume d'or pas trop loin de celle utilisée par molière ou Delamartine.En lisant ton article j'ai juste les larmes pretes à couler parce que ce constat triste est trop vrai!!!!!mais regarde encore,le constat est loin d'être achevé,il reste encore beaucoup de choses à dire.Tu nous fais honneur!!!!la fierté du bled,c'est toi!

Barack Nyare Mba
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Le combat continue mon frère, on doit tout faire sortir!

serge
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"Quite an experience to live in fear, isn't it? That's what It is to be a slave", parole prophétique utilisée dans "Blade Runner"... faire vivre le peuple dans la peur pour mieux le contrôler...