Le Gabon vit au rythme des années 80-90

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L’histoire semble se répéter au Gabon et avec les mêmes acteurs, qui sait si ce sera avec la même finalité. C’est en substance ce que nous pouvons dire au vu de l’actualité gabonaise depuis le décès en 2005 du président Bongo. A quelques exceptions près, aucune période à part ces six dernières années  n’a été aussi similaire que celle des années 1985-1993.

Les libertés individuelles, la démocratie et la bonne gouvernance qui étaient en 1990 sous le régime de la « Rénovation » au centre des combats politiques, se retrouvent 24 ans plus-tard, cette fois-ci  sous le régime de « L’émergence »,  au cœur des revendications de cette même opposition à l’endroit du même parti au pouvoir.  Fiction ou réalité ? Nous ne saurons le dire, toutefois il n’y a pas de doute sur la similitude des évènements qui ont marqué l’actualité nationale et internationale durant ces deux régimes.

Sachez d’ores-et-déjà que ce billet est le premier d’une série qui portera essentiellement sur l’observation et l’analyse de la vie sociopolitique gabonaise en vue de la présidentielle de 2016.

L’environnement international

Pour commencer, l’arrivée des socialistes au pouvoir en France en 1981 allait beaucoup changer les relations franco-africaines. En effet le discours de François Mitterrand plaisait aux opposants gabonais qui souhaitaient l’instauration de la démocratie. Hormis cet évènement il eut  également les soulèvements de 1989 en Europe de l’Est baptisés « vent de l’Est » mais surtout la chute du mur de Berlin le 9 novembre de la même année. La mort de Nicolas Ceausescu dont les images ont été largement diffusées au Gabon a profondément marqué les populations. Tous ces bouleversements mondiaux ont en quelque sorte galvanisé les populations et les leaders politiques et contribuer à éveiller les consciences sur la nécessité de revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail.

Parallèlement  en 2010 l’actualité internationale a été secouée par les révoltes au Maghreb appelées le « Printemps arabes ». Ces révolutions comme vous le savez  étaient des contestations populaires et intenses qui ont vues la chute des Présidents Tunisien Egyptien et Libyen. Les images et les commentaires  à la télé du corps sans vie du colonel  KHADAFI ont elles aussi conscientisé les populations Gabonaises qui ont compris qu’aucun régime n’était éternel. En France la victoire des socialistes aux élections présidentielles de 2010  ont porté au pouvoir  François HOLLANDE qui comme François MITTERAND propose un autre discours  aux Africains contrairement à celui de la droite Française battue.

Sur le plan international la coïncidence de l’actualité est sans équivoque sous les deux régimes.

 Les revendications sociales sous la « Rénovation »

Le régime de la « Rénovation » du Président Omar Bongo inaugure les contestations sociales des le début des années 80’. Tous les secteurs furent touchés par ces revendications sociales, notamment les enseignants, les étudiants et les travailleurs.  Ce régime avait lui-même exalté les mécontentements du peuple car il tenait des discours « fallacieux » sur les réalités sociales Gabonaises. De plus le tribalisme devenait légion au sein de l’administration publique et du parti au point d’en devenir un mode de gouvernement : la géopolitique.

La baisse des salaires et les licenciements qui touchèrent la classe moyenne, les mesures impopulaires comme la  « Loi Mayila » qui  voulait que les fonctionnaires soient payés par tache et non par mois, la grève des enseignants et étudiants de la Faculté de droit et sciences économiques du 10 Décembre 1989, Tous ces facteurs allaient contribuer à la dégradation du climat social et aux contestations populaires.

 Comme solution à la grève des étudiants de l’UOB, le gouvernement décida l’intervention des forces de police sur le Campus. C’était une Erreur. Résultat : blessés graves, dégâts matériels important. Suite à cela des émeutes éclatèrent partout à Libreville et dans tout le pays entrainant des destructions de biens publics et privés. C’est à la suite de cette bavure gouvernementale que l’action politique commença. En sus de ces revendications estudiantines et politiques, les manifestants demandèrent au gouvernement en place « Un partage équitable du revenu national et une démocratisation du paysage politique ».

…Sous « l’émergence »

Les revendications sociales faites dans les années 80’ semblent ne pas avoir trouvés de solutions définitives car en 2014 ces mêmes revendications refont surface. Le régime de « l’émergence » d’Ali Bongo essuie de vives critiques sur le plan social depuis 2009. Bien que la situation économique actuelle semble largement meilleure que celle des années 80, la situation sociale des Gabonais n’a pourtant pas beaucoup changé depuis lors. Du coup nous voyons depuis 2010 une floraison de grèves intempestives des enseignants du primaire, du personnel de santé, des enseignants de l’UOB, des Etudiants, des élèves et des travailleurs. Motif : les conditions de vie, de travail et d’étude ne sont pas bonnes.

Hormis ces besoins sociaux primaires qui reviennent encore de nos jours, on constate que certains maux comme le tribalisme qui fut décrié lors du soulèvement politique des années 89’-90, réapparait mais cette fois sous sa forme la plus abjecte. Il y a également le partage inéquitable des richesses, la mauvaise gouvernance, la liberté d’expression, la démocratie, le clientélisme, l’insécurité, la justice sociale  qui reviennent inconditionnellement sur la table des revendications politiques et sociales.

 On a vu cette année comme en 1990 les policiers rentrés au sein de l’université Omar Bongo pour mater les étudiants grévistes qui réclamaient leurs bourses et l’amélioration de leurs conditions de vie et d’étude. Lors de la longue grève des enseignants des lycées et collèges courant 2013, on a assisté à la marche des élèves à travers le pays pour réclamer la reprise des cours. Ces marches ont également été fortement réprimées par la police à Port-Gentil et à Libreville. Certaines mesures impopulaires du gouvernement actuel enveniment la tension sociale qui est perceptible : La suppression des fonds communs au profit de la PIP (Prime d’Incitation à la Performance) qui a mis en grève la douane Gabonaise pendant près d’un mois, le non respect des cahiers de charges des syndicats de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la santé, les nominations des « étrangers » (la légion étrangère comme ils disent) à des postes de responsabilité importante etc.

Forces politiques en présence

Après 46 ans au pouvoir et ayant la majorité absolue à l’assemblée nationale, au sénat et dans les collectivités locales, le PDG (Parti Démocratique Gabonais) « domine » la scène politique nationale. En dépit de cette « domination » ou « abomination » due à sa longévité, le parti au pouvoir fait face aux mêmes contestations sociales des années 80-90’sur le plan de la « confiscation des libertés démocratiques » du tribalisme, de la mauvaise gouvernance et d’une mauvaise redistribution des richesses. Bien entendu ces revendications ne trouvent pas un écho favorable  de la part des dirigeants actuels ce qui explique la démission de plusieurs anciens hiérarques du parti et la montée de l’activisme politique au sein des mouvements associatifs et ONG que ce soit au Gabon comme dans la diaspora.

La crise politique que le Gabon a traversée en 2010 suite à l’élection « contestée » par l’opposition du président Ali en 2009, avait replongé le pays dans les travers de 1993 lorsque le président Bongo fut déclaré vainqueurs des élections. En effet, comme le fit le Père Paul MBA ABESSOLO en mettant en place un gouvernement parallèle au Gabon au sein du HCR (Haut Conseil de la République), l’opposant André MBA OBAME (ancien candidat et ex hiérarque du PDG)  mit en place également  un gouvernement parallèle dit « Gouvernement du PNUD ». Le dénouement de ces deux faits historiques ne fut pas le même : Le premier cité fut dénoué lors des négociations à Paris appelé « Accords de Paris » et le second fut quant à lui dénoué par la dissolution pur et simple de l’UN (Union Nationale) le parti de André MBA OBAME.

L’opposition actuelle qui est réunie essentiellement au sein de l’ex Union Nationale, est composée d’anciens PDGistes. Ces derniers avaient pour la plupart activement participé à la conférence Nationale de 1993 pour l’instauration de la Démocratie et la mise en place d’institution garantes de cette démocratie. Aujourd’hui ils se retrouvent de l’autre coté de la barrière pour « renégocier »  et réclamer une nouvelle « Conférence nationale souveraine »  pour l’établissement de la même démocratie, des mêmes libertés individuelles et de la même bonne gouvernance.

Contrairement à 90’ le PDG ne semble pas vouloir négocier avec la nouvelle opposition car  considérant sa situation politique actuelle plus que confortable. Cette absence de dialogue politique pourrit la vie sociale et économique du pays entrainant ainsi des divisions au sein même des couches sociales, de l’administration publique et j’en passe.

Ainsi comment finira cette lutte sociale et politique qui n’a que trop durée ? Quand on sait qu’actuellement les deux camps politiques affermissent -chacun avec ses moyens- leurs positions en vue des échéances à venir c’est-à-dire les présidentielles de 2016. Peut-on croire que l’opposition et la société civile feront mieux que celles des années 85-93 ? Nul ne le sait. Comme disent les anglophones : «  Just wait and see »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Auteur·e

espritafricain

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