Il était une fois la révolution sociale dans la patrie des Panthères

 

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Dans un pays en crise, en proie à la désunion, au chômage et à l’injustice ; dans un pays profondément blessé dans son estime de soi et dont la plaie béante, puante, délice des mouches et des microbes, a été exposée, à la pleine clarté du jour, pendant l’un de ses plus grands shows de télé-réalité : l’élection présidentielle 2016 ; dans ce pays, un jeune homme, le cerveau fécondé par le patriotisme, par l’amour du débat politique, par la passion du droit et par diverses expériences associatives, accoucha une œuvre intitulée : Plaidoyer pour une révolution sociale au Gabon

L’œil observateur recevra un uppercut à la lecture du titre.

Le coup vient de ce mot : plaidoyer. S’il signale l’influence des études de droit suivis par l’auteur, ce terme indique, également, que ce dernier ambitionne de soigner la plaie de son pays en donnant à ses remèdes une assise juridique. Mais, si le jeune homme veut s’appuyer sur le droit, il émet l’hypothèse selon laquelle la grande blessure qui torture sa terre natale aurait une origine culturelle. il s’agirait de la dépréciation systématique de soi, au sens où il est d’avis général que le pays ne peut rien produire de grand. Entre les lignes, le jeune homme laisse alors entendre que la révolution sociale qu’il défend n’est qu’un prélude à une révolution de plus grande envergure :

 La révolution culturelle.

C’est pourquoi l’auteur définit la révolution sociale comme une transformation de la culture politique. L’auteur veut donc proposer, par le truchement du droit, une autre manière d’appréhender et de pratiquer la politique, une possibilité de rompre avec les us et coutumes en vigueur dans le domaine politique. Cette transformation-rupture est le passage d’une culture de sujétion à une culture de participation. Dans la culture de sujétion, le citoyen se sent dominé par le système politique dont il attend les bienfaits et redoute les diktats. Dans la culture de participation, le citoyen possède les moyens et outils efficaces, juridiques notamment, et l’état d’esprit nécessaire pour participer à, et influencer l’action politique.

Mais la lecture des propositions-solutions de l’auteur laisse un malaise.

Elles sont pertinentes, intelligentes. On peut citer, en autres, la révision de la constitution pour plafonner le nombre de parti politique et pour exiger de chacun une idéologie claire sur des sujets d’intérêt général. Le but est d’épurer le paysage politique de partis qui ne valent absolument rien, parce qu’ils n’assument pas pleinement leur rôle : conquête, exercice et conservation du pouvoir, et surtout, surtout, surtout, la formation de l’opinion, c’est-à-dire la mise à disposition, pour les citoyens et militants, en dehors des périodes électorales, d’informations et activités en vue de forger leurs convictions politiques, ainsi que leur capacité à réfléchir sur les défis que rencontre le pays. On peut également faire allusion à l’institution d’une culture du référendum pour consulter le peuple sur des questions majeures et ainsi lui redonner confiance en ses dirigeants. Et on ne peut oublier la dotation d’un encadrement législatif à la pétition afin de permettre aux citoyens de suspendre ou d’amender des lois, des mesures qu’ils jugent impertinentes. Ce ne sont là que quelques-unes des propositions de l’auteur.

Nous le disions, elles sont intelligentes. Mais, elles semblent rester dans l’ordre des bienfaits à attendre du système politique. Car, pour être effectives, elles doivent passer le cap d’un débat à l’Assemblée nationale en vue de leur adoption. En clair, cela donne l’impression que la révolution sociale défendue par l’auteur dépend, largement, de la bonne volonté de ceux qui détiennent, actuellement, le pouvoir. Aussi, pourrait-on croire que le livre leur est directement adressé, et que le message délivré entre les lignes est : si vous voulez réellement regagner la confiance de vos concitoyens et agir pour la grandeur de ce pays, voici quelques conseils !

 Mais nous préférons penser que le message fondamental de l’auteur est :

Si vous voulez réellement agir pour la grandeur de ce pays, prenez le pouvoir !

Mais alors à qui s’adresse-t-il ?

D’abord aux jeunes, puisque l’auteur souhaite leur implication dans les élections législatives, en tant que candidats notamment. Ensuite à la société civile, car cette dernière constitue naturellement le contre-pouvoir. Pour l’auteur, la transformation de la culture politique dépend, fortement, de la qualité de la société civile : si cette dernière ne produit pas, par elle-même, les moyens et les outils d’une formation éclairée de l’opinion et un rehaussement du niveau du débat public, il ne faut pas s’attendre à ce que la culture politique devienne performative.

Enfin, pour nous, personnellement, ce message devrait concerner particulièrement les acteurs culturels. Car si, dans une société, la politique est la sphère décisionnelle, les décisions sont le résultat d’une combinaison de comportements, de croyances, de valeurs, d’outils et techniques qui, en réalité, sont le produit de la culture (éducation, arts, sports, sciences). La prise de pouvoir par les acteurs culturels renvoie à leur capacité à faire voir, par leurs œuvres, par leurs créations, par leurs activités, par leurs exploits, les chemins qui mènent à la grandeur et à l’épanouissement. Ils représentent la rupture avec l’idée selon laquelle, chez nous, la politique est la voie royale pour s’accomplir.  C’est pourquoi, in fine, nous faisons cœur avec l’auteur lorsqu’il indique ce qu’il y a de fondamental et nécessaire dans la révolution sociale :

 Il s’agit de promouvoir une philosophie d’engagement centrée non pas sur l’Etat et ce que nous devons attendre de lui, mais sur l’individu et sur son devoir de se construire et de s’élever par lui-même d’abord. Cette voie est la meilleure parce qu’elle n’est pas la voie de l’attentisme mais celle du travail. Elle est la seule à pouvoir renforcer durablement la paix, dans toute sa profondeur. Et aucune alternance politique, aucun coup d’Etat, aucune élection ne nous mènera à ce résultat sans les efforts que suppose la voie indiquée ici.

Pour connaitre et juger l’ensemble des propositions de l’auteur, nous vous invitons à les découvrir, vous-même, en lisant l’œuvre.

 Ah ! Pardonnez notre impolitesse.

L’auteur se nomme Théophane Nzame-Biyoghe, étudiant en droit à l’Université Africaine des Sciences, et son œuvre, Plaidoyer pour une révolution sociale au Gabon, est publiée aux éditions Edilivre. Vous pouvez la commander sur le site de l’éditeur en versions papier ou numérique :

https://www.edilivre.com/plaidoyer-pour-une-revolution-sociale-au-gabon-theophane-nzame-b.html/

 

Ecrit par MELVINE FAUSTER, étudiant en philosophie.

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Auteur·e

espritafricain

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