TOP 8 DES CHANSONS QUI DÉCRIVENT LA SOCIÉTÉ GABONAISE

 

CP : YOUTUBE

Depuis quelques jours une polémique fait le plein de commentaires sur les réseaux sociaux au sujet de l’impact de certaines chansons sur la jeunesse gabonaise.  Cette polémique est née suite à l’arrestation d’un certain KEMEKA, présumé assassin du jeune Roméo, qui est soit-disant cité dans la chanson « Goudronnier » de l’artiste DON’ZER.  Reconnaissons l’intérêt du sujet surtout quand on sait que les artistes ont de l’influence sur leurs fans. Toutefois il y a un aspect de ces chansons qui n’est pas souvent bien compris par certains mélomanes.  En général au Gabon on voit beaucoup plus le verre à moitié vide qu’à moitié plein.  La musique comme tous les autres arts sont le miroir de la société, une société aux visages multiples décrient  selon la sensibilité de tel ou tel artiste. C’est afin de lever l’équivoque que je m’en vais  vous citer huit chansons qui décrivent certains pans de la société société gabonaise actuelle.

 

1)  MANI MATE LE NIEN  de l’artiste TEMPETE DU DÉSERT 

Pour ceux qui ne le savent pas, « MANI MATE LE NIEN » veut dire « Frangin regarde le flic ».  Au Gabon, travailler dans les forces de l’ordre et de sécurité devient le moyen le plus sûr d’avoir un emploi. Que tu aies un bac +4 ou être un (e) non diplômé (e), tu es au moins certain(es) qu’on peut t’embaucher et percevoir chaque fin de mois ton salaire pour nourrir ta petite famille ou toi-même. Cette réalité fait en sorte que plusieurs jeunes ne pouvant se faire valoir ailleurs, s’enrôlent par défaut dans les corps habillés. C’est l’embauche du désespoir quand il est choisi de cette façon. Il faut savoir que les agents des corps habillés semblent relativement bien traités par l’Etat car exemptés de certaines contraintes affligées aux autres fonctionnaires comme le récent recensement des agents de la fonctions publics ou la prochaine réduction des salaires. L’artiste Tempête du désert décrit parfaitement le statut qu’occupent les corps habillés dans la société gabonaise. Tout d’abord, ce sont des intouchables, ce sont les rois sur la route quand ils font les contrôles de police sur les voies urbaines, périurbaines ou sur la nationale N1. Ils se font du fric avec le racket exercé exclusivement sur les taximen, les transporteurs routiers de la nationale N1 ou ceux des matériaux de construction. Une fois le fric empoché, ce sont eux les premiers à jouer les riches dans les bars de quartiers. D’ailleurs on voit bien dans le clip de Tempête du désert, un personnage (Manitou) jouant le rôle du flic friqué, sort de l’argent de sa poche et le met dans la poche arrière du jeans d’une fille qui trépigne ses fesses devant lui. Personne ne peut les réprimander, ce sont eux qui représentent la loi c’est d’ailleurs pourquoi ils se permettent de tout. Une fois j’ai assisté à une scène surréaliste chez un revendeur agréé Airtel Money (Mobile Banking). Il était 19h quand j’ai vu un flic sortir plusieurs billets de 500Fcfa et 1000Fcfa empilés dans un sachet pour faire un dépôt sur son compte. Les gens autour étaient tout aussi étonnés que moi, ce qui ne fut pas le cas pour ce flic sans vergogne. Je tiens à préciser que tous les flics ne sont pas comme ceux décrit plus haut. Il y a par exemple des flics exemplaires comme ceux qui ont arrêté les assassins du jeune Roméo. Big up à vous et RIP au frère.

 

2) BABYLON de l’artiste SLR SOSSA

Les matitis ou Mapane de Libreville sont une vraie plaie pour la jeunesse gabonaise, c’est le creuset de la délinquance et de tous les vices qui sèment le malheur chaque jour à Libreville.  Vivre dans le ghetto, le mapane ou matiti c’est vivre à Babylon c’est souffrir pour s’en sortir. Vivre dans le mapane c’est côtoyer la drogue, le sexe, la violence, la faim, la déperdition scolaire, les grossesses précoces et j’en passe.  Au Gabon il y a des citoyens de seconde zone, des citoyens qui n’ont pas accès aux infrastructures de bases comme l’école, la santé la sécurité mais qui sont les premières victimes d’agression, d’inondation, d’exclusion et de manipulation politique. Les mapanes à Libreville sont le témoignage d’une société qui a échoué dans la construction d’un idéal commun si tant est qu’il en existe un.  Malgré les efforts que fournissent certains jeunes du Mapane, ils rencontrent toujours des difficultés car n’étant pas aidés, je voulais dire car étant oubliés par ceux qui sont censés s’occuper d’eux, réunir les conditions de leur épanouissement individuel.  Se sentant abandonnés à elle-même, la jeunesse gabonaise est devenue rebelle et insouciante.  On constate de plus en plus d’agressions, de viol, de braquage, de meurtre, d’escroquerie. Le pis c’est que ces actes de banditisme sont faits par des adolescents.  A une certaine époque c’était les aînés qui agressaient les populations. Aujourd’hui se sont les jeunes et moins jeunes qui le font. Dans le clip de SLR SOSSA, on voit bien au début du clip, des jeunes qui tentent de se débrouiller en rebouchant les nids de poule. Les recettes étant marginales, ces derniers décident de troquer leur uniforme de travail pour celui du braquage de leurs voisins. Une pratique qui est courante à Libreville. Une des choses que j’ai apprécié dans ce morceau c’est l’espoir qui en ressort lorsqu’il met en avant les enfants qui sont l’avenir de ce pays, l’avenir des quartiers de Libreville et du Gabon. Ces derniers y dansent avec frénésie au rythme de cet espoir qui leur permet de dormir la nuit après une longue et difficile journée en se disant que le lendemain sera meilleur que la veille.

 

3) JE BOIS LA REGAB de l’artiste MOX BABY

Sport national depuis de nombreuses années, la consommation d’alcool est un héritage que nous portons et assumons fièrement de génération à génération.  Toutes les occasions sont bonnes pour aller au maki, que ce soit lors d’un décès, anniversaire, baptême, mariage. A la pause au travail comme à la fin des cours au lycée ou à l’université, il y a toujours un moment que nous accordons à la consommation d’alcool. Le gabonais est un bon vivant, il ne souhaite qu’une chose : Vivre sa vie comme il l’entend avec ses proches. Difficilement vous trouverez un gabonais assis seul dans son coin en train de boire sa bière, il est souvent accompagné de ses amis ou sa famille. La bière nationale la REGAB, primée parmi les meilleures bières du monde en 2018, est le prophète d’une religion appelée communément le « DJOKA » qui signifie  » Boire ».  Au Gabon, le week-end commence lundi, dès ce jour les bars sont déjà remplis à partir de 17h voire même plus tôt. Boire les alcools devient un exutoire. La vie est tellement difficile pour tout le monde au point où certains sont obligés de l’oublier en buvant. Dans cette chanson, Mox Baby dit clairement que les jeunes cherchent 500fcfa chaque jour pour boire une REGAB. Comme quoi c’est la seule chose qui reste à faire pour passer le temps qui semble si long quand on est au chômage, dans des problèmes.  Boire la bière dans un maki est l’occasion d’aborder tous les sujets surtout le plus alléchant, la politique.  Il n’y a pas d’endroit à Libreville où vous ne trouverez pas un bar. Ils sont partout.  Avec le concours de la Mairie, Libreville est devenue un grand maki à ciel ouvert. On voit de tout dans un maki, c’est l’une des choses qui m’exhale personnellement car c’est le bon endroit pour observer mes compatriotes. En effet dans les bars on rencontre des fonctionnaires en costumes qui racontent à haute voix les dossiers chauds qu’ils ont traités pour se donner de l’importance auprès des marginaux qui l’accompagnent, les flics qui parlent de leur travail ou de leur problème de foyer, les élèves qui se saoulent devant les aînés et qui braqueront ces derniers à la fin de la soirée. On y rencontre aussi les chômeurs qui cogitent sur leur vie en se saoulant ou encore des filles qui cherchent celui ou ceux qui rentreront avec elles pour une seule nuit ou pour la vie.

 

4)  MON PAYS de l’artiste LOVA LOVA ANELKA

La vie au Gabon est très rythmée c’est pourquoi l’artiste Lova Lova Anelka vous invite à danser et à bouger au début de son morceau. En effet, il y a tellement de choses qui se passent dans ce pays et qui peuvent légitimement faire craquer plus d’un. Chaque jour à son cortège de nouvelles aussi folles les unes que les autres. Aujourd’hui il peut s’agir d’un crapuleux meurtre ou crime rituel, demain un détournement de plusieurs milliards de francs, après demain une fille qui s’est faite violée ou qui a avorté et jeté son nouveau-né, après demain des salaires qui vont être coupés et ainsi de suite. Véritablement pour le gabonais c’est « A chaque jour sa peine ». Plus le temps passe plus je constate qu’il y a des comportements sociaux dont tout le monde semble négliger. Par exemple chez les boutiquiers du quartier appelé « Malien », on vend la cigarette aux élèves filles comme garçons. Les bars servent de l’alcool aux élèves en tenue, les motels ouvrent leurs portes à tous les jeunes sans demander au préalable leurs pièces d’identité. Pourquoi avons-nous atteint ce niveau d’inconscience et d’insouciance ? Comment pouvons-nous accepter de détruire notre jeunesse ? Quelle société pouvons-nous construire si certains principes sont bafoués par tous sinon la majorité ? Je reste convaincu que le gabonais paiera de sa passivité, d’ailleurs il la paie déjà.  Regardez le niveau d’insécurité dans lequel nous vivons, il n’est plus possible de se balader la nuit à Libreville comme autrefois. Malgré la présence de la police dans certains carrefours, les victimes de braquage et de meurtre se multiplient. La psychose règne désormais, on évite dorénavant de mettre du temps dehors au risque de se voir dépouiller par une bande de jeunes affamés et drogués. Lova Lova Anelka aborde deux sujets qui me tiennent à cœur, la santé et l’éducation. Ce sont deux secteurs clés qui souffrent le plus dans ce pays. Mais où va-t-on ? Nous le saurons une fois dans le mur.

https://www.youtube.com/watch?v=vNdHQkDT8ZM

 

5)  BONOBO de l’artiste CREOL feat SHANE’L LA KINDA

La très controversée Creol avait provoqué une levée de bouclier lorsqu’elle a sorti son morceau dénommé « Bonobo ». Il faut savoir que les bonobos sont un genre de singes qui aiment particulièrement s’accoupler à tout moment et dans toutes les positions. C’est un moyen pour eux de se distraire, de régler les conflits dans le groupe, de resserrer les liens ou juste par simple envie. Je crois que cet exemple est parfait pour décrire la banalité qu’est devenu le sexe dans la société gabonaise. Les hommes comme les femmes sont actuellement dans une bulle sexuelle qui scandalise. Depuis quelques années, on enregistre une floraison de motels qui sortent de terre partout à Libreville. En semaine et surtout le week-end, ces lieux de plaisir sont bondés de monde. Une fois un ami qui y était allé me disait qu’il y a même eu une queue dans un des motels qu’il fréquentait, incroyable !  En tant qu’homme, j’ai remarqué que les filles ou femmes deviennent de plus en plus facile à sortir. Il suffit de peu de chose pour les avoir dans son lit. Est-ce qu’elle appelle émancipation ? La plupart du temps se sont des relations sans lendemain. Il y a eu un cas qui m’a particulièrement choqué durant cette année, c’est celui du jeune homme qui filmait ses ébats sexuels avec des filles puis leur faisait un chantage avec les vidéos qu’il avait d’elles. Cette histoire avait défrayé la chronique au point où la police judiciaire avait interpellé ce jeune homme. Les vidéos circulaient sur whatsapp et Facebook. Ce sont les réalités du Gabon que chacun des gabonais vit chaque jour.

 

6) BORDELLE, COLLECTIF PEOPLE

Voici le morceau qui a motivé la rédaction de ce billet. En écoutant les paroles, vous comprenez aisément il m’a inspiré car ce sont les réalités de nos quartiers. Je crois que la pauvreté que vivent les gabonais poussent certaines à faire des choses pour subvenir aux besoins de leurs familles ou d’elles-mêmes. Plusieurs filles sortent avec des détenteurs de prêt-à-porter pour avoir des vêtements, d’autres avec le boutiquier pour avoir de la nourriture. Certaines ne le font pas pour les raisons invoquées mais simplement par plaisir. On voit souvent dans les quartiers des filles qui sortent avec plusieurs garçons du même quartier sans que cela lui pose un problème ou une gêne. Ce sont des comportements qui n’honorent pas la femme. Je parle beaucoup des femmes parce que ce sont des êtres que je respecte et quand je constate ou remarque des comportements peu recommandables, je me sens obligé d’en parler afin de les interpeller. Une fois pendant que nous prenions un verre, ce morceau était en train de jouer quand une jeune fille se met à danser dessus et chanter. Je lui ai demandée si elle comprenait les paroles, elle répondit à l’affirmative mais rétorqua en disant que ces paroles ne la concernent pas. Sa réponse était juste mais je l’ai interpellée en lui disant qu’en tant que femme elle n’avait pas le droit de danser et chanter ce morceau, ce qu’elle fit. Une fois encore je remarque que les gabonais n’agissent pas souvent par solidarité ce qui en soi n’est pas une bonne chose si on veut que les choses évoluent.  Sincèrement ce morceau m’a perturbé et je vous invite à bien écouter les paroles.

 

7) GOUDRONNIER de l’artiste DON’ZER

Voilà un morceau qui aborde un sujet assez important, la violence et la drogue dans les quartiers de Libreville. Sachez que « Goudronnier » signifie toute personne qui se bat par tous les moyens légaux et illégaux pour  avoir de l’argent ou réussir. Pour certains ce morceau a eu une influence négative sur la jeunesse gabonaise , d’autres comme moi ne partagent pas cet avis.  On reproche à ce jeune artiste des paroles qui font l’apologie du banditisme de la violence et des drogues. Personnellement je pense que cet artiste ne parle que ce de ce qu’il vit dans son quartier, des réalités qu’il rencontre chaque jour avec les siens. Refuser d’accepter les réalités des autres c’est croire que la vie de tous les gabonais est la même. Il est parfaitement clair que la vie aux Akébé (quartiers populaires de Libreville) n’est pas la même que celle de kalikak (quartier résidentiel de Libreville). Il est évident que les histoires racontées dans chacun de ces deux quartiers ne seront pas les mêmes car les réalités ne le sont pas aussi. A Libreville, plusieurs quartiers se paupérisent créant ainsi les conditions nécessaires à la délinquance. J’avais abordé ce sujet dans l’un de mes billets consacrés à Libreville ( ICI )  . Parlons des Kobolo, cette drogue qui sévit chez les jeunes depuis  plus d’un an. Dans son morceau, DON’ZER dit clairement que les jeunes vivent de « ça ». Effectivement certains jeune vivent de la drogue et se droguent, c’est un fait. Plusieurs cas d’overdose ont été enregistrés dans les établissements scolaire suite à la consommation des kobolo.  En parlant des Kobolo dans son morceau, DON’ZER  révèle au grand jour une drogue qui sévit chez les jeunes.  Au sujet de Kemaka cité dans  « GOUDRONNIER », l’artiste confirme lors d’un Facebook Live qu’il ne s’agit pas du  pseudo du présumé assasin du jeune Roméo mais plutôt le nom d’une drogue très appréciée par les jeunes. De plus il précise  d’autre part dans ce facebook Live que Kemaka est un ami d’enfance et qu’il n’encourage pas l’acte horrible qu’il a  supposé commis.  Je crois qu’il ne faut pas faire un faux procès à ce jeune artiste, les vrais coupables sont ailleurs, si chacun faisait bien son travail nous n’en serions pas là. L’artiste ne fait que peindre les réalités de la société tout en vous divertissant, il y a des messages qu’il y véhicule pour interpeller les autorités, les concitoyens etc. A chacun de jouer sa part pour que les choses avancent.

 

8) TCHIZABENGUE de l’artiste SHANE’L LA KINDA

.C’est le buzz du moment au Gabon, les Tchiza sont sorties de l’ombre dès la sortie de ce morceau et ont d’ailleurs créé une polémique autour de ce concept. Ceux qui ne savent pas de quoi il s’agit, en effet une Tchiza est une maîtresse. C’est une femme qui sort avec les hommes mariés ou en couple et s’enorgueillit en chambrant sa rivale, la femme au foyer. Au Gabon, la plupart des hommes ont des Tchiza qu’ils entretiennent. C’est une pratique tellement courante qu’elle devient banale, ne surprend plus personne, le principe est validé et accepté par tous. Le statut de maîtresse leur confère plusieurs avantages, argent, voyages, entretien, sortie de nuit etc. J’avais longuement abordé ce sujet dans un article dédié à cette pratique  ( CLIQUEZ ICI ) Parmi les personnes qui ont pris la parole pour défendre les Tchiza, il y a ce jeune homosexuel qui parlait en tant que Tchiza, c’était ma foi surréaliste. A part Lanlaire depuis l’Europe qui se le revendique, ce jeune homme résident au Gabon a provoqué une pléthore de commentaires dénonçant son homosexualité qu’il assume bel et bien d’ailleurs. Ce que j’ai compris de son intervention c’est que les Tchiza des hommes mariés peuvent être des femmes comme des hommes. Une fois encore SHANE’L a marqué le pas en abordant avec habilité des situations que beaucoup de femmes vivent ce qui est d’ailleurs l’une des raisons du succès de ce morceau.

 

 

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Auteur·e

espritafricain

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