MON PEUPLE PERIT FAUTE D’EDUCATION

 

Eleves de franceville en grève pour réclamer la reprise des cours. Mars 2017.CF:Facebook

Sommes-nous conscients du malheur qui attend la future génération qui devra diriger le Gabon ? Sommes-nous conscients du péril en gestation de toute une culture ? Sommes-nous conscients de l’héritage historique qui nous ait légué ? Sommes-nous conscients des responsabilités qui incombent à l’Etat et à chacun d’entre nous sur l’éducation de nos enfants ? Tels sont les questionnements qui nourrissent mon quotidien suite à mes observations.

De mon point de vue, toutes les difficultés économiques sociales culturelles et politiques actuelles, résident fatalement dans la faiblesse (C’est un euphémisme) de notre système éducatif. Sans ambages je le dis, le système éducatif gabonais est un échec cuisant qui en réalité devrait servir dans les universités et grandes écoles comme étant le parfait modèle à ne point suivre.

Pourquoi le dis-je ? Et bien parce qu’actuellement nous en payons les frais. Il suffit de regarder comment fonctionne la société gabonaise pour mesurer le niveau d’échec d’un système éducatif avilissant et dénaturant. Le mal est profond, il gangrène toute une génération en danger de mort intellectuel culturel et morale qui tente désespérément par tous les moyens de sauver le peu de dignité et d’espoir qui lui reste.
Il est des moments où je me demande à quoi sert véritablement la devise nationale : « UNION-TRAVAIL-JUSTICE ». Ces trois valeurs fondatrices de notre République sont royalement bafouées et mises aux calendres de l’histoire. Ce serait peut de dire qu’aucune de ces valeurs n’est une réalité palpable au Gabon. Pire, qu’elle soit présente dans la conscience des gabonais.

Il est écrit que les valeurs d’une République sont enseignées ou transmises à l’école de la République c’est-à-dire l’école publique. Si cette dernière est malade dans le fond et dans la forme, alors on peut aisément comprendre la cause de toutes nos difficultés actuelles. Une bonne éducation facilite la vie en société, le partage des mêmes valeurs, l’acceptation de l’autre dans sa différence, le sens du devoir et de la justice, le sens de la responsabilité et du travail, l’attachement à sa culture et à son héritage historique. Si l’école de la République est dénuée de tout cela, tôt ou tard notre société ne connaitra que ruines cendres et larmes.
Si l’Unité est la première valeur de notre République c’est parce qu’elle a une importance capitale, c’est la pierre angulaire de notre République. C’est le socle sur lequel doit être bâti la nation gabonaise compte tenu de sa diversité ethnique. Que de larmes chaudes de désolation quand on constate qu’elle est devenue une vue de l’esprit, un vain mot inscrit dans la constitution.

A quoi sert-il d’avoir une devise nationale si elle n’a d’utilité que de nom ? Pourquoi scander haut et fort que nous sommes une République quand on ne respecte pas ses principes cardinaux ? L’éducation garantit la pérennité d’une République à travers la diffusion et la compréhension de ses valeurs. Au Gabon nous en sommes bien loin.

Commençons par la base. Regardez nos familles, le socle de toutes sociétés humaines. C’est de là que part l’éducation de base d’un enfant. D’après mes observations, les familles gabonaises connaissent la désunion, les membres font du politiquement correct pour éviter d’éclater le reste d’unité encore existante.
Etant le plus nanti de la famille, le benjamin en devient l’aîné. Quelle absurdité ! Sans lui aucune décision importante ne peut être prise. L’argent qui devait servir à élever et solidifier socialement les membres d’une famille, devient le moyen de les écraser. La jalousie s’est immiscée sournoisement dans les rapports familiaux pour une affaire de baccalauréat, de travail ou pis de femme. Nous sommes tombés très bas pour des futilités et la vanité. Conséquences : Tout s’effrite autour de nous, les murs qui clôturaient nos familles se lézardent au fil des années sans qu’aucune réparation ne soit faite ni envisagée.

Plusieurs familles gabonaises ont échoué dans le maintien et l’inculcation de l’unité. Cet échec n’est pas à imputer à l’Etat ni à la République mais plutôt aux membres de nos familles respectives qui sont solidairement responsables de cet état de fait. Toutefois si la famille échoue dans son devoir, l’école de la République ne peut échouer dans ses responsabilités au risque de condamner toute une jeunesse. Malheureusement nous en sommes là. L’école de la République faillit par incompétence et / ou par manque de vision à ses devoirs régaliens. La jeunesse se retrouve ainsi coincer entre une famille en perdition et une école de la République irresponsable.

Que peut-on espérer d’une jeunesse traumatisée par ceux qui sont censés les protéger et les éduquer ? Comment espérer le meilleur alors qu’elle vit le pire ? Regardez dans nos écoles primaires, dans les collèges et lycées, les enfants sont contraints à s’adonner aux vices pour évacuer inconsciemment le traumatisme qu’ils subissent. Le constat est amer : Les grossesses précoces sont courantes, Le niveau scolaire est très bas c’est pourquoi le taux d’échec et de redoublement sont parmi les plus élevés du continent africain. La cupidité et « l’argent facile » sont légion, La déperdition scolaire atteint des niveaux inquiétants, le sexe l’alcool et les drogues sont désormais sans tabou.

En dépit de ce constat ahurissant voire alarmant, nous continuons d’être divisés au lieu d’être unis autour d’un idéal que nous rêvons pourtant tous. On se craint, on se méfie toujours de l’autre, on le soupçonne de sorcellerie, d’avoir le « mauvais cœur ». Que des préjugés. Je reste convaincu que seule l’absence d’une bonne éducation donne naissance à de telle considération.

Nous semblons être incapables de comprendre que c’est ensemble que nous serons prospères et unis et c’est aussi ensemble que nous serons pauvres et désunis.

La division de la société gabonaise n’est que le reflet de la division dans nos familles amplifiée par les divisions politiques et disparités économiques qui perdurent depuis de longues années. Quelle société sommes-nous devenues ? Une société hybride, perdue entre mondialisation et tradition. Une société qui perd ou vend son âme pour ressembler à une autre qu’elle ne connaît point. C’est ce que l’on appelle une société complexée.
Le relèvement de notre pays, de notre société passera indubitablement par la prise en considération au plus haut niveau de l’éducation de nos enfants.

Toutes les formules politiques aussi belles soient-elles nous pourront pas faire décoller le Gabon si l’école de République n’est pas remise au centre de toutes les stratégies.
C’est un appel de cœur que je lance à l’endroit de chacun d’entre vous et à l’Etat gabonais car l’heure est grave, nous ne pouvons pas rester insensibles face à ce génocide intellectuel, culturel et moral car il s’agit de l’avenir de ce pays que nous chérissons tant.

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Auteur·e

espritafricain

Commentaires

Gevy
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Texte très profond et très riche. Les propos me vont droit au cœur car je suis également très touchée par la situation de notre jeunesse, qui est l'avenir de demain. Je suis très affecté par ce génocide intellectuel, culturel et moral. Ravie de savoir qu'il y a des gabonais qui lancent des cris d'appels à l'endroit, des autorités, de la population (des familles) afin de s'unir et de redonner une image noble à notre jeunesse gabonaise. Merci frère...!