Quid de l'identification des langues dans la Constitution

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Un constat s’est imposé à moi à la suite des interventions des uns et des autres sur des questions constitutionnelles. Le plus souvent les gens font des réclamations relevant des dispositions que la Constitution accorde à la fonction du président de la République. Notamment la durée de mandat, les conditions pour être candidat, mais aussi le nombre de tours de l’élection présidentielle.

Les Gabonais parlent de ces points parce que les hommes politiques ont introduit ce débat en omettant volontairement ou involontairement les autres « carences » de notre Constitution. A y regarder de plus près, on remarque que très peu de Gabonais ont déjà lu la Constitution du pays, dans ce cas comment pourraient-ils savoir ce qui s’y trouve ?

Je pense que le changement de la Constitution n’est pas seulement une question de personne ou de poste présidentiel, c’est aussi une question culturelle, oui culturelle parce qu’elle seule donne aux hommes et femmes politiques et au peuple une conscience de nos origines, une conscience de notre histoire et de nos us et coutumes gage de leur protection et de leur promotion.

Je me suis une nouvelle fois amusé à lire la Constitution gabonaise et je me suis appesanti sur le titre premier : De la République et de la souveraineté. Grande fut ma surprise de constater que les langues vernaculaires du Gabon n’y étaient pas nommément citées. Il est écrit ceci en son article 2 :

« La République gabonaise adopte le français comme langue officielle de travail. En outre elle œuvre pour la protection et la promotion des langues nationales… »

La question que je pose à ceux qui ont écrit cette Constitution est la suivante : quelles sont les langues nationales dont vous parlez dans cet article ? Rien n’est écrit à ce sujet alors que la Constitution consacre tout ce qui constitue notre République, notre nation.

Je n’ai rien contre la langue française qui est devenue à cause de la colonisation une langue véhiculaire, toutefois je suis offusqué de constater que seule cette langue étrangère est citée nommément dans la Constitution de la République gabonaise. Bizarre comme c’est bizarre !

Pourquoi cette omission ?

Plusieurs pays africains ne mentionnent pas leurs langues nationales dans leur Constitution, je peux citer entre autres le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin, le Niger. D’autres par contre reconnaissent explicitement leurs langues nationales, il s’agit du Sénégal, du Burundi, du Zimbabwe, du Rwanda, du Congo, pour ne citer que ceux-là.

Il est attribué à Houphouët-Boigny une phrase qui traduit parfaitement cette omission : «  Soixante-cinq langues soixante-cinq partis politiques ». Je pense que la peur du tribalisme a motivé plusieurs présidents à l’orée des indépendances à ne pas reconnaître nommément les langues nationales, car ils pensaient que cela aurait été un frein à l’unité nationale.

De nos jours, cette position est selon moi passéiste, car dans un monde mondialisé seuls ceux qui affirment et protègent leur culture sortent gagnants du concert des nations. Doit-on penser actuellement que si l’on reconnaissait les langues nationales par ordre alphabétique dans la Constitution cela ne rendrait les Africains en général et les Gabonais en particulier plus tribalistes ou moins tribalistes ? Je ne crois pas. Le plus important selon moi est la reconnaissance par la République des langues parlées dans le  pays.

N’oublions pas nos origines

Je pense qu’il y a des questions qui méritent un véritable débat, il n’y a pas que les édifices, les ponts, les agrégats économiques, les immeubles, les aéroports, les mandats électifs qui construisent un pays, il y a aussi et surtout le patrimoine culturel. Nos hommes politiques n’abordent pas ces questions qui devraient prouver le caractère visionnaire de leurs projets de société. De plus la société civile doit jouer son rôle afin que nos langues nationales aient la place qu’elles méritent.

Comment peut-on prétendre promouvoir et protéger les langues nationales alors qu’elles ne sont même pas reconnues dans la Constitution ? Dans les faits cela s’explique parfaitement, il n’y a au Gabon ni conservatoire, ni un vrai musée, ni un théâtre national, ni l’apprentissage des langues nationales dans les écoles publique laïques, ni une académie de langues nationales ni ni ni la liste est longue.

A l’heure où on parle de renaissance africaine, de développement économique social et culturel, nous gagnerons à reconnaître nos langues nationales dans la Constitution du Gabon et dans celles des autres pays africains. C’est une question qui relève de notre affirmation culturelle.

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Auteur·e

espritafricain

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