Je vous invite à la découverte de la petite ville de Ndjolé, on dit aujourd’hui « ville » mais il y a des années c’était un village de chasseurs et de pêcheurs au cœur des méandres de la foret gabonaise dans la province du Moyen Ogooué à 225 km de Libreville sur la nationale N1. C’est une ville particulière de par « ses histoires« , son Histoire et celle de certains hommes et femmes qui ont eux aussi marqués celle du Gabon et de l’Afrique. Ville hôte pour les voyageurs sur terre comme sur le fleuve Ogooué qui baigne son rivage, on y trouve d’ailleurs une richesse culturelle particulière due essentiellement à la diversité ethnique des peuples autochtones. En général, l’imaginaire Gabonais ne retient d’elle que des faits divers parus dans les journaux, alors que si on cherchait à la découvrir, on y découvrirait de quoi raconter aux enfants.
La belle…
L’histoire officielle dit qu’elle commence lorsque Pierre Savorgnan de Brazza arriva dans ce village la première fois. On dit qu’il l’a trouva tellement belle qu’il décida de l’appeler « jolie », c’était en 1883. Avec le temps et sous l’influence de la langue Fang (langue locale) le nom changea pour devenir d’abord « N’zouli », puis sous l’influence cette fois-ci de la langue Française, elle pris sa forme actuelle N’djolé. Vous avez naturellement compris qu’il s’agit de l’histoire du nom , non pas celle des « Ndjoléens » car celle-ci est bien antérieur à l’arrivée de de Brazza.
Située le long de la zone navigable de l’Ogooué (fleuve le plus long du Gabon), elle a deux rives et entres elles une île historique, l’île Samory. Les missionnaires sont les premiers à s’y installer en créant dès 1897 la Mission Saint Michel de Ndjolé sur la rive gauche, une autre Mission identique avait été construite plus-tard sur la rive droite à cause des dangers de la traversée en pirogue. Ville Multi-ethniques et culturelles, véritable lieu cosmopolite où les différentes ethnies (fang, Kota, Punu) vivent en plein harmonie.
Ndjolé est une ville très animée, vivante et pleine de sourire. Plusieurs danses traditionnelle des ethnies Fang et Kota agrémentent les soirées et animent les décès et retraits de deuil. Les danses comme « Elomba », « Megane » ou encore le Okoukouwe mobilisent toujours toute la communauté car ce sont des moments de retrouvailles et de partage. En plus de ces danses, saviez-vous qu’il en existe une autre appelée « Danse de Gaulle » qui est pratiquée uniquement à Makokou (Nord-est), Minvoul (Nord) et Ndjolé. Elle a été créée en 1946 à la mémoire du Général de Gaulle qui avait joué un rôle important lors de la seconde guerre mondiale pour la libération d’une partie de l’A.E.F occupée par les Pétainistes.
Les amoureux de paysage pourront apercevoir pendant la saison sèche (Août, Septembre), une longue bande de sable autour de l’île Samory, offrant ainsi aux populations une superbe plage à la Ndjoléenne. Économiquement, c’est un carrefour stratégique pour le commerce fluvial, le transport ferroviaire comme terrestre. Les voyageurs s’arrêtent presque toujours au marché de Ndjolé pour acheter quelques produits ou manger un bout avant de reprendre la route.
La rebelle…
Après quelques années d’installation Française, Savorgnan de Brazza transforma ensuite N’djolé en ville prison en 1898. La situation géographique de cette ville en fit un point stratégique pour les colons. Ils y installa un tribunal militaire (le bâtiment existe toujours), on y jugeait certains résistants Africains et nationaux qui étaient contre la colonisation. Tout d’abord L’Almany Samory Touré, grand résistant Africain de l’empire Wassoulou (Guinée actuelle), il fut exilé à Ndjolé par l’administration coloniale. Il mourut dans l’île qui porte aujourd’hui son nom en 1900 d’une pneumonie d’après les vieux du village.Une stèle y est érigée à son hommage. Ensuite un autre grand résistant, Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur de la plus grande confrérie musulmane du Sénégal, les Mourides. L’histoire raconte que c’est à Ndjolé, où il était convoqué pour un procès qu’il avait même remporté contre un colon, que Samory Touré et Cheikh Ahmadou Bamba se sont rencontrés pour la première fois avant que ce dernier ne soit renvoyé à Lambaréné.
Quel privilège pour cette ville d’accueillir en son sein, et en même temps, deux illustres personnages qui ont donnés leurs vies pour le continent. Enfin deux autres grands résistants ont également séjourné dans les geôles coloniales de Ndjolé, le roi Kpoyizoun du Tado et le chef DOSSOU Idéou, tous deux originaires du Togo actuel. Tous ces hommes étaient des résistants qui étaient contre la pénétration des colons en Afrique et Ndjolé a servi de prison pour ces défenseurs de la liberté Africaine.
C’est un ancien village qui est devenu rebelle tout simplement parce que des rebelles y ont toujours vécu, bel héritage. L’histoire de N’djolé est surtout marqué par son leader charismatique Emane TOLE, chef guerrier, il refusa en 1895 avec d’autres clans de se soumettre aux colons. Après des années de luttes acharnées, il fut arrêté et exilé avec son fils TOLE Emane, à Grand-Bassam en Cote d’Ivoire, qui fut aussi une ville prison. Après quelques années de prison, son fils fut libéré et revint au Gabon, ce qui ne fut pas le cas de son père EMANE TOLE qui mourut en captivité quelques années après. Son message et sa pugnacité ont toujours marqué et façonné l’esprit des N’djoléens. C’est un résistant Gabonais mal connu comme NYONDA, ELLANDE, MBOMBE ou WONGO.
Sur l’échiquier politique national, elle est foncièrement un refuge d’opposants et parfois d’anti-conformistes venus de tout le pays.D’ailleurs lors du coup d’Etat au Gabon en 1964, un groupe de militaires putschistes avaient pour mission d’emmener sous une nuit de pluie, le Président Léon MBA à la prison de Ndjolé, ville dont il est originaire d’une part. Sur le chemin un gros arbre était tombé sur la colline qui mène à Ndjolé, cette situation les contraint à partir pour Lambaréné. Depuis ce jour on la nomme « la colline Léon MBA« . Succinctement tels sont quelques grands faits et grands traits de cette ville unique.
La beauté sans aucun doute se trouve dans l’œil de celui qui regarde. l’histoire de cette ville peut être vue sous n’importe quel prisme mais le plus important est de retenir les enseignements qu’elle véhicule, la connaissance des hommes et femmes qui peuplent cet ancien village. Pour finir, sachez que la belle et rebelle Ndjolé est mon village.
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